Hippolyte Taine
expliquait également, en 1865, que
Du roman à la critique et de la critique au roman, la distance
aujourd'hui n'est pas grande. Si le roman s'emploie à montrer ce que nous
sommes, la critique s'emploie à montrer ce que nous avons été. L'un et l'autre
sont maintenant une grande enquête sur l'homme, sur toutes les variétés, toutes
les situations, toutes les floraisons, toutes les dégénérescences de la nature
humaine. Par leur sérieux, par leur méthode, par leur exactitude rigoureuse,
par leurs avenirs et leurs espérances, tous deux se rapprochent de la science.
« Floraison »
et « dégénérescence » : on touche ici au cœur de la pensée
irrationnelle bourgeoise, sa conception vitaliste.
Émile Zola
s'appuie de fait sur Hippolyte Taine et reprend en épigraphe de la
deuxième édition de Thérèse Raquin la fameuse phrase d'Hippolyte Taine
dans son Introduction à l'histoire de la littérature anglaise (1864)
: « Le vice et la vertu sont des produits comme le vitriol et le sucre. »
Émile Zola
est ainsi, au départ, un romantique, dans la ligne d'Alfred de Musset, de
Victor Hugo, il rejette totalement le réalisme. Il ne va devenir naturaliste –
et donc pas du tout réaliste – que sous l'influence d'Hippolyte Taine et
du « prince » de la vivisection Claude Bernard, alors que lui-même
était devenu journaliste.
C'est-à-dire
qu'Émile Zola est un intellectuel idéaliste, romantique, qui a formulé une
conception idéologique de la bourgeoisie conformément aux besoins de l'époque.
Le naturalisme d'Émile Zola, c'est celui d'Hippolyte Taine et de
Claude Bernard, c'est celui de la bourgeoisie, dans l'esprit du vitalisme.
Thérèse
Raquin se voulait un roman à caractère scientifique.
Déjà décadent comme la vivisection, Émile Zola entendait un faire un
« succès d'horreur » en parlant du meurtre impuni d'un mari par la
femme et l'amant, qui alors basculent dans la culpabilité et le remords.
Il est
intéressant de voir comment Zola lui-même résume cela, dans un esprit à
prétention scientifique mais déjà focalisé sur le fait divers :
En deux mots, voici le sujet du roman : Camille et Thérèse, deux jeunes
époux, introduisent Laurent dans leur intérieur. Laurent devient l'amant de
Thérèse, et tous deux, poussés par la passion, noient Camille pour se marier et
goûter les joies d'une union légitime. Le roman est l'étude de cette union
accomplie dans le meurtre ; les deux amants en arrivent à l'épouvante, à la
haine, à la folie, et ils rêvent l'un et l'autre de se débarrasser d'un
complice. Au dénouement, ils se suicident.
On est là
dans une tendance à ne considérer que l'individu, dans une vision
« biologiste » à apparence scientifique, alors qu'en réalité on est
déjà dans le « psychologique » typiquement bourgeois. On sait
d'ailleurs comment Zola résumera l'approche naturaliste :
L'étude des tempéraments et des modifications profondes de l'organisme
sous la pression des milieux et des circonstances.
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